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La Corée du Sud, cette destination portée par la K-culture

La Corée du Sud, cette destination portée par la K-culture

La péninsule coincée entre le Japon et la Chine, longtemps angle mort du tourisme, caracole désormais en tête des envies d'évasion en Asie, dopée par la K-pop et par l'effet «Netflix-Drama».

Murs anthracite, lignes futuristes et parquet ciré blond. En legging et tee-shirt, les « touristes » entrent en piste pour une séance transpirante de K-pop endiablée à 17 heures pétantes. Dehors, une skyline urbaine de brique et de métal, truffée de cafés tendances, sous un soleil bleu glacé. À l'intérieur de ce blockhaus d'acier, posé dans le quartier branché de Seongsu, surnommé le « Brooklyn de Séoul », résonne le tempo explosif des chorégraphies mêlant hip-hop et danse électro, au diapason de la mégalopole sud-coréenne, vivant au rythme « pali, pali» (« vite, vite », en coréen). «Ici, c'est gigantesque. Le rythme, l'énergie, tout va plus vite qu'à Paris. C'est ce qui m'attire », s'enthousiasme Gaëllanne, arrivée de Paris une semaine plus tôt, et encore sous le choc. Cet après-midi, la Française de 26 ans accompagne des copines au 1 Million Dance Studio, fondée par Lia Kim, la chorégraphe de Blackpink, le girls band le plus populaire de la planète. «Quand on a ouvert, il y avait une queue digne de Boxing Day à Londres. 75% de nos visiteurs étaient étrangers avant le Covid, et nous sommes en train de revenir à ce niveau. Il y a des gens qui viennent du bout du monde juste pour danser avec moi ! Jamais je n'y aurai cru quand on s'est lancé», explique au Figaro la chorégraphe de 38 ans, au million de followers.

Après le marasme des confinements, Gaëllanne s'offre son « premier grand voyage en Asie », et elle a choisi la Corée du Sud, nouvelle destination tendance de la génération Z, en quête de respiration. Naturellement. La faute aux vidéos clips du groupe BTS, sept garçons dans le vent, surnommés « les Beatles de l'âge YouTube », qui ont rempli Bercy et ont désormais leur musée à Séoul, et à Parasite , la palme d'or à Cannes, qui l'ont amenée à plonger dans l'imaginaire de cette péninsule, longtemps angle mort du tourisme, coincée entre Japon et Chine. « C'est la “Hallyu” qui amène de plus en plus de touristes ici », explique la Française en référence à la « vague culturelle coréenne » qui a d'abord conquis l'Asie et désormais déferle en Europe et aux États-Unis. Comme Ginny Sun, 24 ans, venue en vacances depuis Boston, avec sa famille, qui s'offre un cours de danse entre bibimbap et shopping. « Il y a tellement des bons plats à découvrir ici, et tout est propre », se réjouit la jeune fille d'origine chinoise. Sans oublier la nature, et les pics escarpés à portée de métro pour les randonneurs, explique Gaëllanne.

 

Visites de sites de tournage

 

Au sortir de la pandémie, Séoul attire les voyageurs, après deux ans de disette barricadée derrière des frontières verrouillées par la quarantaine. «Depuis octobre, c'est exponentiel. Cette année, on va exploser les chiffres de 30% à 40% par rapport à 2019 », explique Mélusine Blanchet, responsable des opérations à l'agence Cap Corée, basée à Séoul. Si les touristes chinois et japonais, principaux contingents, tardent à revenir, le pays du Matin-Calme profite à plein de la popularité désormais planétaire de ses stars pour drainer les touristes occidentaux, ou d'Asie du Sud-Est. Dans les ruelles tortueuses de Bukchon, le quartier des hanoks, ces maisons traditionnelles, le thaï ou l'allemand résonnent avec le français et l'espagnol. Au point de viser jusqu'à 28 millions de visiteurs à l'horizon 2028, le double du chiffre déjà record de 2019.

Un grand bond en avant touristique pour le pays de Samsung, longtemps citadelle industrielle méconnue désormais tendance grâce au petit écran : « Il y a un effet Netflix. Pendant la pandémie, beaucoup de gens ont regardé des séries coréennes, et veulent désormais découvrir le pays », explique la représentante de Cap Corée. Le pack Hallyu, incluant des visites de sites de tournage de « dramas » est l'un des produits phare de cette agence spécialisée dans le voyage en Corée du Sud, fondée en 2011. À l'origine tirée par les fans de K-pop, Cap Corée voit désormais sa clientèle s'élargir aux trentenaires et aux retraités, eux aussi conquis par Squid Game ou les séries historiques. « Longtemps l'apanage des aventuriers, la Corée est en train de devenir une destination grand public » résume Blanchet. Sur les traces du Japon, popularisée par les mangas et les dessins animés, au tournant du siècle.

L'imaginaire projeté par les « dramas » déclenche un appétit pour l'histoire et la culture coréenne, drainant les visiteurs dans les palais royaux de Chang­deokgung, et son « jardin secret », ou Gyeongju, la capitale historique de la dynastie shilla, et ses temples bouddhistes protégés par l'Unesco. Les touristes y posent en « hanbok », ce costume traditionnel chatoyant, sous les flashs d'un photographe professionnel. « Il y a un côté princesse Disney qui fonctionne très bien », explique Blanchet. Un souvenir prisé par la génération Instagram, dont une majorité de jeunes filles, sensible à l'esthétique et aux manières policées des acteurs coréens projetés à l'écran. Et qui viennent aussi faire la fête dans les boîtes du quartier étudiant de Hongdae, l'esprit libre, dans cette mégapole parmi les plus sûres du monde, entre street food et barbecue où les verres de soju s'entrechoquent. « Les acteurs sont beaux, les histoires familières, et romantiques », s'enthousiasme Romane, étudiante de Bordeaux venue découvrir cette nouvelle frontière de l'imaginaire. L'immense capitale de la dixième économie mondiale fait sa mue et se mobilise pour attirer la nouvelle manne touristique, sous l'impulsion de son ambitieux maire conservateur, Oh Se-hoon, qui rêve d'en faire un tremplin à ses ambitions présidentielles.

 

Des festivals à chacune des quatre saisons

 

« Séoul est déjà une capitale technologique, économique. Nous voulons en faire aussi une destination mondiale à visiter à tout prix », explique l'édile dans une interview au Figaro. La capitale organisera désormais des festivals à chacune des quatre saisons de cette péninsule au climat contrasté. Le printemps et ses cerisiers en fleurs, et le sublime automne aux feuilles mordorées attirent le plus, pris en étau entre un hiver glacial et une mousson poisseuse. Séoul va se doter également d'une télécabine enjambant l'immense fleuve Han, a annoncé Oh, le 14 mars en visite à Londres, enchaînant sa seconde visite en Europe en quelques mois, en quête d'inspiration.

Une nouvelle attraction qui complétera le téléphérique grimpant au sommet de la montagne Namsan, sertie de la tour de télévision devenue symbole de cette mégalopole de plus de 15 millions d'habitants. « Nous avons déjà une marque forte grâce à la K-culture, les dramas. Mais les jeunes qui débarquent ici découvrent aussi une histoire riche, avec de nombreux musées », se réjouit le maire. Une mobilisation politique pour voler au secours d'une industrie touristique frappée de plein fouet par la pandémie, voyant le nombre de visiteurs chuter de 95 % en 2021 par rapport à l'avant-Covid. Nombre d'hôtels, en particulier moyen de gamme, qui s'étaient multipliés pour accueillir les masses chinoises, ont souffert ou mis la clé sous la porte, notamment dans le quartier touristique de Myeong-dong. Les hôtels haut de gamme s'en sortent mieux, du Four Seasons à Gwanghwamun au Ryse à Hongdae, prisé d'une clientèle branchée. Et le groupe Accor multiplie les ouvertures, du Sofitel au pied de la tour Lotte World, au Fairmont à Yeouido, ou le Naru, au bord du Han.

La capitale s'affirme également comme un nouveau hub de l'art contemporain en Asie, défiant Hongkong avec l'arrivée de la foire Frieze depuis septembre, et le bourgeonnement de galeries locales et internationales, comme Perrotin. Ou le Musée Leeum, de la famille Samsung, à Hannam, nouveau quartier « trendy » à une encablure d'Itaewon. Ce quartier de la nuit fut endeuillé par une bousculade tragique à Halloween faisant plus de 150 morts, dont certains jeunes touristes venus faire la fête depuis la France, le Japon, l'Iran ou les États-Unis. Comme un raccourci macabre de l'attirance puissante du nouvel aimant d'Asie du Nord-Est. Les touristes font aussi souvent un crochet par Pusan (ou Busan), la métropole portuaire méridionale, célèbre pour son Festival du film, sa vaste plage Haeundae aux allures de Croisette, à portée de TGV de la capitale. Certains poussent jusqu'à l'île de Cheju, chère à Le Clézio et Nicolas Bouvier, pour escalader le volcan Hallasan, ou se baigner sur la plage de Jungmun.

Les plus sportifs escaladent les pics escarpés du parc national de Seoraksan, qui dominent la côte orientale coréenne, léchée par les lourds rouleaux venus de la mer de l'Est. À portée d'artillerie des barbelés de la DMZ, qui déchirent la péninsule escarpée depuis la fin de la guerre de Corée en 1953. Les tours organisés par les grands hôtels vers les cabanes bleues de l'ONU plantée sur la Joint Security Area (JSA), sous le regard atone des soldats nord-coréens, ont repris à Panmunjeom, qui fête cette année les 70 ans du fragile armistice. Ce poste frontière, reliquat de la guerre froide, fascine toujours les visiteurs et fut le décor du film à succès JSA, de Park Chan-wook. La Corée n'en finit plus de faire son cinéma.

 


 

Cet article a été écrit et publié dans Le Figaro le 15 mars 2023 (lien).

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